Toulouse : Octobre 2024
Ce mois-ci à quelques jours de la Toussaint, nous avons rencontré Gérard et Rachida Escande, les propriétaires des Pompes Funèbres ACF Escande afin d’avoir un autre point de vue sur une des période les plus complexe que nous ayons à vivre : Le deuil
Faire ce métier est une véritable vocation
L’entreprise a pignon sur rue et donne sur une des avenues principales qui traversent Trèbes, une commune proche de Carcassonne. A l’intérieur l’espace est conséquent et nous montre des dizaines de plaques funéraires en granit, en marbre ou encore en pierre polies. Il y en y a pour tous les goûts et de toutes les couleurs, des roses, des grises, des blanches… Un peu plus loin, des galets du souvenir ornés de maximes censées rappeler à chacun le caractère des disparus. Là bas, des urnes aux formes arrondies… De styles classiques ou modernes avec des décorations graphiques leur conférant un caractère d’objet de décoration un peu moins austère. Ici ce sont des dizaines de plaques transparentes sous lesquelles apparaissent des photos de personnes de tout âge et de toutes conditions, des couchers de soleil aux couleurs si apaisantes, des fleurs… Puis enfin, dans le fond de la boutique un coin réservé aux enfants. Tout y est blanc, les petits angelots, les plaques, les vases, les bougies…
Derrière son comptoir, Rachida, épouse de Gérard Escande dirigeant de la société Pompes Funèbres ACF ESCANDE, travaille sur son ordinateur et prépare une photo représentant une jeune femme debout dans la verdure, tout de blanc vêtue, Son visage est éclairé d’un immense sourire, montrant sa farouche joie de vivre. Image d’une vie passée, souvenir d’un destin brisé, d’un bonheur fauché de la plus injuste des façons… Rachida donne une forme de coeur à la photographie, en utilisant plusieurs valeurs de plan, en pied ou en portrait afin que la famille puisse choisir ce qui représentera au mieux cette jeune maman, bien trop tôt disparue. Rachida travaille avec soin et met en avant ce portrait avec respect et humanité pour que ses proches retrouvent la tendresse, l’amour et l’énergie positive de cette disparue. Un portrait ce doit être représentatif de la personnalité, car dans quelques années, cette photo sera la dernière image que la plus part des siens garderont d’elle. Souvenir d’un instant fugace, d’une journée délicieuse appartenant au passé, mais gravée dans le marbre…
Rachida Escande ne fait pas que retravailler des photos pour préparer des plaques funéraires, elle s’occupe aussi de l’accueil des familles lors de ce moment si difficile qu’est la perte de l’un de ses membres.
Nous nous occupons de tout, c’est à dire des avis de décès dans la presse, des formalités administratives, des contacts avec les différentes autorités religieuses et enfin de l’inhumation ou de la crémation. Nous aidons les familles endeuillées à choisir les urnes, les cercueils, les fleurs… mais cela s’applique aussi pour le choix de tel ou tel type de cérémonie, laïc, religieuse, athées…
Ce qui fait la différence c’est l’humanité dont nous faisons preuve. Les personnes sont dans la douleur et nous ne sommes pas là pour leur vendre les produits les plus chers. Nous sommes là pour les accompagner et les aider à faire ce qu’il faut quand tous les sens et les différents repères sont altérés par une douleur incompressible. Nous ne pouvons pas supprimer leur peine, mais nous pouvons les soulager de tout ou du moins d’une très grande partie matérielle en ce qui concerne les obsèques proprement dites.
Pour cela, les dirigeants de la société ont créé des petits bureaux, un peu au calme, retirés de la boutique afin de respecter l’intimité et la douleur de chacun.
Il y a bien sûr le coût financier des obsèques que nous devons prendre en compte. Mais aujourd’hui beaucoup de personnes ont passé des contrats obsèques avec des compagnies d’assurance ce qui soulage les familles, mais si ce n’est pas le cas, les choses sont claires depuis le début et nous faisons en fonction de leur budget. Encore une fois, nous ne sommes pas là pour vendre le plus cher, mais pour rendre un dernier hommage au défunt avec tout le respect qu’on lui doit. Vous savez, quand j’ai rencontré mon mari, Gérard, nous étions déjà sur la même longueur d’onde et c'est ça le plus important. Nous avions cette même empathie pour les personnes dans la douleur et le respect de la personne disparue.
Une cérémonie d’adieux, importante pour tous
Parfois, Gérard maître de cérémonie, fait des enterrements de personnes seules ou abandonnées par la vie. La cérémonie est la même que pour les autres. Même si la personne vivait chichement, il faut la considérer en tant qu’être humain. Cette personne a aimé, a été aimée, a peut-être donné beaucoup pour les autres, a eu des joies, des peines… Aujourd’hui, elle va disparaître pour toujours, alors la moindre chose que l’on puisse faire, c’est d’honorer sa dépouille pour tout ce qu’elle fut. Gérard et Rachida exigent de la décence pour tous, la maladie et la mort effaçant tout type de classes sociales.
Chaque famille est différente. Il y en a qui viennent déclarer le décès d’une personne dont la mort était plus ou moins attendue suite à une longue maladie ou à un âge avancé… Généralement, la douleur, même si elle est forte, ne se lit pas trop sur leurs visages. C’est plus une douleur interne, personnelle, et qui va dans le sens de la vie.
Mais, il y a aussi des familles pour qui la mort de l’être aimé est soudaine, violente ou inattendue. C’est donc beaucoup plus compliqué à gérer, car la perte d’un enfant, d’un jeune adolescent, ou d’un membre de sa famille suite à un accident laisse l’entourage complètement perdu et déboussolé. Sans oublier ce sentiment d’injustice et d’incompréhension qui plane au-dessus d’eux…
Nous les recevons ici, dans cet endroit calme et retiré pour aborder avec eux le déroulement des obsèques, de la cérémonie, des animations éventuelles avec photos, diaporamas, montages vidéos ou sonores…Nous leur proposons de réaliser un hommage qui leur ressemble, ou qui représente le défunt tel qu’il était. Puis, nous essayons de ne pas parler que de ça. Souvent les familles évoquent les circonstances du décès et à cette occasion nous abordons aussi la personnalité du défunt. Nous effleurons un peu ce qu’il y avait autour de cette personnalité, l’amour que tous lui portaient… C’est souvent bien pour eux et cela « adouci » pendant quelques minutes leur incroyable peine.
La société actuelle est construite de religions et de sensibilités très différentes les unes des autres. Gérard et Rachida doivent s’adapter et proposer une multitude de choix respectant les croyances de la famille et du défunt.
On leur demande s'ils sont religieux, de pouvoir faire les démarches auprès de leur paroisse. Dans le cas des musulmans, Gérard appelle l’Imam et les personnes pour la toilette. Une fois ces cérémonies terminées plus personne ne touche le corps, puis le cercueil est fermé avant d’être transporté à la mosquée puis au cimetière ou en rapatriement.
Idem pour les religions Judaïques où les corps ne doivent être touchés que par des personnes religieuses accréditées à pratiquer les rituels. Il y a aussi des familles qui souhaitent garder les corps à la maison. Nous nous adaptons à tout, toujours dans le respect des rituels et des croyances de chacun.
Dans le cas d’enterrements civils, le maître de cérémonie, Gérard, propose des poèmes qui sont adaptés au contexte du décès, pour que ce ne soit pas trop rapide. Nous faisons toujours une petite cérémonie avec quelques mots en considération du défunt. Si personne ne souhaite parler à cause de l’émotion, c’est nous qui prononçons ces hommages. Nous sommes arrivés au point où nous donnons le maximum de nous-mêmes vis à vis du disparu. Quand la famille vient et nous remercie encore et encore, parce que la cérémonie était exactement comme ils l’envisageaient, c’est que nous avons réussi à atténuer très légèrement la douleur pour ne garder que le souvenir.
L’émotion est palpable dans le regard de Rachida… Nous sommes dans un lieu où la tristesse est de mise. La maîtresse des lieux, en personne très solaire, éclaire les locaux avec son sourire avenant. Cernée par les plaques funéraires, les maquettes de cercueils et les souvenir post-mortem de toutes sortes, elle prend le temps d’accueillir, puis d’écouter et de conseiller d’une voix douce, calme et sereine. Contraste entre des visages rougis par les larmes, fatigués par le manque de sommeil et la réalité de la vie… qui continue malgré tout. Elle est souvent la première personne qui reçoit les familles juste après le drame et par ce fait devient une transition entre les deux mondes. Elle sert de guide et de conseil pour que la dernière cérémonie du défunt soit à la hauteur des espérance de ses proches, tout en assurant la continuité de l’existence.
Mais on essaie de toujours garder le sourire. Il y a même des moments où nous avons fait rire des familles, en leur permettant de s’apaiser en nous narrant des anecdotes. Ils rient aussi, pour se soulager, parce que c’est trop dur, et que dans ses moments de tension, il faut évacuer la pression. Le rire en est un des moyens mais sert aussi à rappeler les bons moments passé avec ceux qui viennent de partir. Une façon de prolonger la vie, de repousser le moment des adieux ultimes. Puis les choix sont fait en corrélation avec la famille. Le deuil est certes un moment compliqué, mais la vie continue et le plus beau pied de nez que l’on puisse faire à la mort, c’est la vie !
Malgré le nombre de personnes concernées qu’elle aide, Rachida ne s’habitue pas et ne reste pas insensible à la mort. Chaque être humain est une nouveauté, une chose exceptionnelle et surtout est unique !
Il y a des gens qui me demandent comment je fais pour travailler dans ce milieu. Certains sont même gênés d’entrer dans le magasin, entourés de tout cet art funéraire. Mais moi, je me dis que c'est une satisfaction propre. Il y a des fois où je suis fière même de pouvoir aider les gens. En fait c’est un plaisir de rendre service, de rendre les honneurs à la personne décédée. Il faut une certaine formation et une certaine prédisposition, mais pour moi, ce n’est pas du tout une épreuve, mais plutôt un geste naturel. Ma propre mère est décédée il y a neuf ans. Nous nous en sommes occupés avec Gérard et l’avons ramenée à domicile. Une personne était là pour faire la toilette mais son assistante était absente. J’ai tenu à la remplacer car après tout ce qu’avait fait ma mère pour moi, je voulais le lui rendre. Donc on a fait la toilette, on la habillée. Je l'ai même mise dans le cercueil… Et cela m’a touchée de lui rendre cet hommage et je me suis dit qu’elle aurait aimé que je le fasse.
Disponible en tout temps et à toute heure
Ce couple ne déconnecte jamais et reste en contact permanent avec le travail. Sa règle première est de ne jamais fermer la porte de la boutique. Même à la maison, ils reste les gérants de leur société et si un décès survient à 3 heures du matin, Gérard se lève et se rend aussitôt sur place. Dans les hôpitaux ou les Ephad, il ne pourra pas récupérer les corps avant le lendemain, mais le fait d’être là, de parler aux personnes qui viennent d’assister aux derniers instants et de prendre en main les toutes premières démarches est un grand réconfort pour elles.
Prendre en charge les familles c’est en premier s’occuper du défunt et préparer son inhumation. Mais au moment du décès, c’est plutôt les familles qui ont besoin de quelqu’un.
Donc, nous, on est là, proches d'eux, pour les conseiller, pour les aider, pour les assister dans tout ce qui touche à l'organisation des obsèques.
Cela demande d’avoir beaucoup d’empathie car parfois il y a des problèmes familiaux et nous devons faire le tampon pour concilier un peu tout le monde. Il y a des familles où les tensions sont très très fortes. Il m’est arrivé de me mettre en colère et d’appeler la police pour éviter une atteinte au respect et à la décence du mort…
J’ai souvenir d’une cérémonie très tendue et à la fin, sur les marches du crématorium une femme est venue me demander si tout était fini pour nous. Dès que j’ai acquiescé, elle a attrapé une autre femme et elles se sont battues à coup de sac à main…
Mais il y a aussi une partie du métier qui reste peu connue. C’est la récupération des corps. Qu’il s’agisse d’une maladie, d’un suicide, d’un meurtre ou d’un accident, il faut récupérer les personnes et les ramener au salon mortuaire. Quand il y a des enfants c’est dur… Et récupérer un corps après un suicide ou après un attentat n’est jamais une chose facile. D’ailleurs, les personnes qui travaillent pour Gérard Escande sont tous d’anciens militaires ou d’anciens gendarmes, car malheureusement ces professions côtoient la mort assez fréquemment et savent se comporter avec tout le respect dû à la personne que nous sommes venu chercher. Puis il faut préparer les corps pour que la famille puissent rendre le dernier hommage. Dans certains cas, c’est compliqué et Gérard passe la nuit à « réparer » les défunts pour que les familles ne soient pas choquées. Quelques fois, même avec des soins de Thanatopraxie, voire de chirurgie plastique, la chose s’avère impossible et les cercueils sont fermés avant l’arrivée des proches car c’est cette dernière image qui restera gravée dans la mémoire… Inutile de rajouter du malheur à une scène déjà bien dramatique.
Gérard est le maître de cérémonie. Une fois que Rachida a vu les détails avec les familles, c’est lui qui prend en charge le reste. Il sera le seul référent pour les proches et même s’ils ont une dernière demande, il fera tout pour la satisfaire. Puis il organise les cérémonies, que ce soit à l’église, à la mosquée ou dans un temple avant l’inhumation ou la crémation.
Je respecte tous les rituels et toutes les religions, car ils sont dans l’intérêt des familles. Parfois certains me disent que je suis plus au courant qu’eux mêmes pour ce qu’il convient de faire. Notre but est de ne pas proposer une cérémonie stéréotypée mais quelque chose de personnalisé qui correspond au désir des proches, une cérémonie que le mort aurait pu aimer.
En 2018, Gérard Escande a officié lors de la cérémonie des attentats du 23 mars au Super U de Trèbes, puis pour la cérémonie en hommage aux disparus suite aux inondations du 15 octobre de la même année.
C’était quelque chose de très important car il y avait des ministres et tout un tas de personnalités venues pour l’occasion. Il y avait un peu de pression, mais ce qui m‘importait le plus, en tant que maître de cérémonie, c’est le respect dû aux familles. La pression, je me la mets tout seul, je fais des plans, des placements pour que tout soit carré, sinon il y aura des erreurs. Les proches sont et resteront à mes yeux les personnes prioritaires. C’est leur deuil, leur souffrance et quoiqu’il arrive nous nous efforcerons de faire entrer leur demandes dans les protocoles de « l’hommage de la nation envers les disparus ». Même si certains des défunts se sont comportés comme des héros, ils n’en restent pas moins des maris, des pères, des frères, des amis aimés bien trop tôt disparus. Donc il faut protéger les familles en priorité, et leur permettre de faire la cérémonie qu’ils souhaitent. Tout le reste n’est qu’une question de gestion entre les serviteurs de l’Etat et nous. Par ailleurs, nous avions reçu les remerciements du Premier Ministre de l’époque, Monsieur Edouard Philippe, pour la bonne tenue et pour l’organisation des obsèques tournée vers les familles.
Chacun est différent et surtout chacun est unique
Les pompes funèbres ACF Escande ont parfois été demandées pour des enterrements de personnalités du monde du spectacle tel que René Coll, responsable de l’orchestre du même nom. Là aussi un enterrement compliqué à cause de la popularité du défunt. Il a fallut évacuer l’église car les personnalités publiques et surtout les fans avaient envahi les lieux sans aucun respect pour la famille. En tant que maître de cérémonie, il a le pouvoir de faire intervenir les forces de l’ordre si nécessaire. Ce qu’il a fait afin que l’épouse, sa famille et ses musiciens puissent assister à la cérémonie dans l’église. Complexe de retenir une foule qui écraserait tout sur son passage pour tenter d’apercevoir un bout du cercueil ou essayer d’approcher des stars venues se recueillir aux obsèque d’un ami…
Gérard fait aussi des rapatriements de corps.
Quand c’est en Europe, je le fais en voiture. Sinon c’est par avion. Ce matin, nous avons fait partir un corps en Algérie par les airs. Il a été récupéré par une société avec laquelle je travaille depuis 20 ans dans ce pays. Tout se fait en confiance et je rassure les familles en leur expliquant qu’ils auront la même qualité de service que si c’était nous qui l’avions fait.
Demain je vais faire 2 000 Kilomètres pour ramener un corps à Reims puis en prendre un autre au retour à Montpellier pour venir ici à Carcassonne. Le fait de conduire pendant si longtemps me permet de décompresser et de me retrouver dans ma foi. Je me retrouve seul avec moi-même, en accord avec mes propres convictions. Cela m’aide à supporter de vivre en permanence dans l’entourage de la mort. Cela peut paraître paradoxal, mais c’est la mort qui donne un sens à ma vie. Je fais ce métier par choix et surtout par vocation. Aider les autres à traverser une épreuve difficile fait partie de mon ADN. Avant j’étais ambulancier, confronté très souvent à ceux qui sont dans la souffrance. Car la première chose à comprendre de ce métier, c’est qu’il faut être tourné vers les autres, et respecter l’être humain avant tout. J’ai beaucoup de chance d’être épaulé par Rachida qui possède les mêmes valeurs. Nous nous comprenons sans nous parler et s’il faut que je parte un week-end, en pleine nuit ou pendant un jour de repos, elle sait que je le fais avec mes tripes, avec tout mon coeur !
D’ailleurs, dans un coin du bureau se trouve un carton remplie de lettres de remerciements déposées par les familles. Le leitmotiv est le respect des disparus. La plus part de ces petits mots évoquent une cérémonie à la hauteur de la personne, certains n’hésitant pas à affirmer que le défunt « aurait apprécié ce moment », qu’il était « très représentatif de sa personnalité… »
C’est essentiel car nous donnons beaucoup à chaque famille et ces remerciements viennent directement du fond de leur coeur. Un enterrement conclu une vie ! Cette cérémonie est relativement courte au regard d’une existence, et ne dépasse généralement pas une heure de temps. Dans ce délai, nous devons aller à l’essentiel, faire ressortir le meilleur du défunt pour que sa famille, ses amis lui disent adieu dans une même unité tout en s’accordant sur une façon d’être à l’image de cette personne disparue. C’est une démarche très importante pour les familles, car ce moment restera gravé longtemps dans leur mémoire.
Ne pas faire dans le paraître, mais se réunir dans la sincérité et la simplicité. Gérard est bien introduit dans la communauté des gitans, assez importante dans la région. Pour ce peuple, la mort est particulière et ils n’hésitent pas à paraître pour se montrer, parfois à outrance. Gérard leur conseille, par exemple, de mettre l’argent dans la cérémonie plutôt que d’acheter le cercueil et les ex-voto les plus dispendieux. Faire venir un petit orchestre, laisser du temps pour la musique et pour les hommages, sans oublier la présence forte de la religion est bien plus important pour le respect du défunt que l’aspect du cercueil. A tel point qu’aujourd’hui, c’est en toute sérénité qu’ils lui confient leurs morts parce que : « Avec toi, on sait que ce sera bien… »
Gérard et Rachida ont choisi leurs équipes et on réussi à leur faire passer les valeurs qu’ils prônent. Le costume 3 pièces tiré à quatre épingles, les véhicules toujours impeccables, ne pas fumer et bien se tenir; c’est le respect du travail que l'on fait, c’est le respect de l'entreprise et c'est le respect du mort, et de sa famille. Si on ajoute la discrétion et l’empathie, on obtient les cinq règles qui régissent la conception de leur métier.
Je suis ainsi, je ne triche pas !
Mais Gérard est un peu inquiet pour l’avenir de sa profession car il voit de plus en plus d’entreprises se monter dans ce secteur, uniquement pour faire du Business, sans vraiment tenir compte des familles. Le 8 janvier 1993, il y a eu l‘abandon des monopoles de l’état sur le marché des pompes funèbres avec l’arrivée de Roc-Eclerc. Ce fut une bonne choses, mais petit à petit un autre monopole, privé celui là, est en train de se mettre en place. De gros groupes, des assurances, des mutuelles, des fonds d‘investissement s’impliquent de plus en plus dans ce marché et cela ne lui plaît pas du tout.
Ce n’est pas le même service. Eux doivent avant tout faire du chiffre et n’ont aucun sentiment envers les familles qui sont juste un numéro de dossier. Ces dernières sont trop souvent confrontées à une multitudes d’intermédiaires et leur dossier passe de mains en mains. S’il appellent la nuit, ils tombent quasiment à chaque fois sur un standard demandant de rappeler à partir de 9 heures le lendemain…
C’est la réalité ! En Espagne, aujourd’hui, il n’y a plus que cinq ou six grosses sociétés sur ce secteur et ce sont eux qui décident. ils mettent les familles dans des cérémonie standardisées en fonction de leur ressenti et non pas en fonction du désir réel de la famille. Il n’y a plus de place pour la personnalisation des obsèques et en cas de soucis, tous les interlocuteurs se renvoient la balle…
Moi, je ne voudrais pas voir ces méthodes arriver chez nous. Nous avons fait une réunion l’autre jour et j’ai clairement expliqué qu’un conseiller qui prend en charge un décès, le prend jusqu'à la fin, jusqu'à l’inhumation. S’il y a des plaques à faire, il s’en occupe. Comme ça, on sait qu'il n’y a qu'un seul acteur. Et ça c’est important ! Les proches ont assez de soucis comme cela, sans que nous ayons à en rajouter. Ils sont dans la douleur, l’incompréhension et font face comme ils le peuvent à cet évènement dramatique qui peut les laisser complètement anéantis. Alors, avoir un seul interlocuteur, en qui ils font confiance, c’est vital pour eux !
Pour le moment, Gérard et Rachida s’occupent jour et nuit de leur entreprise, ne pensent pas s’arrêter et continueront à donner de leur personnes pour aider les autres à traverser l’épreuve terrible que représente l’enterrement d’un être aimé.
Quand tu as cette niaque pour ton travail, tu t’obliges à décompresser dès que tu peux, mais enfin, tu as quand même une case, une fenêtre qui reste constamment ouverte. Il est impossible de la fermer, de faire comme si cela n’existait pas. La mort fait partie de ma vie, c’est mon quotidien, c’est ma vocation, et je n’arrive pas à décrocher, parce que je sais pas de quoi sera fait demain si j'ai plus ce contact. Le contact que j'ai avec les gens, les administrations, les différentes autorités religieuses… Tout cela est enrichissant et les gens, tu les vois plus de la même façon après cette épreuve. Et eux aussi ne te vois plus de la même façon. Et ça, c’est moi, c’est ma vie. Parce qu’en fait, quoiqu’il arrive, je respecte l’être humain plus que tout, j’aime la vie et surtout je ne triche pas…
Philippe Vignon
Octobre 2024
©Droits d'auteur. Tous droits réservés.
Nous avons besoin de votre consentement pour charger les traductions
Nous utilisons un service tiers pour traduire le contenu du site web qui peut collecter des données sur votre activité. Veuillez consulter les détails dans la politique de confidentialité et accepter le service pour voir les traductions.