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Toulouse : Juillet 2024
Ce qui donne un sens à la vie de Loïc, c’est un ensemble de choses réunis au même endroit au même moment. A ses côtés, Chloé sa compagne, partage le même amour que lui, pour l’ile aux fleurs. Une ile, des flots bleus, une faune et une flore exceptionnel dans laquelle nous pourrions évoluer chaque jour… En fin de compte, même si tout n’est pas rose en ce bas monde, c’est peut-être ça l’idée d’une vie au paradis !
Depuis Paris, il faut compter environ 9 heures de vol en A 330, subir un décalage horaire de -6 heures et affronter un climat tropical avant de rencontrer Loïc Honoré, moniteur de plongée sous-marine, à Grand’Anse, dans la commune des Anses-d’Arlet, en Martinique. A une heure de route, au sud de Fort de France, la baie est exposée plein ouest, face à la mer des Caraïbes, à l’abri des vents dominants grâce au relief des hauts mornes l’encerclant. La mer, d’un bleu profond, est calme alors qu’au loin la houle est beaucoup plus forte et rappellent aux éventuels aventuriers que la mer des Antilles est loin d’être sereine. Dans le ciel, les nuages filent à toute vitesse vers le Sud Ouest, poussés par les alizés, tout en dessinant des ombres géométriques et biscornues sur les collines boisées environnantes…
Un endroit calme, propice au délassement, car ici nous semblons être bien loin de toutes les vicissitudes de notre monde. Plage de sable fin, eaux cristallines, ciel bleu, nuages très blancs, le tout cerné par une végétation luxuriante.
Sur la plage, à l’endroit même où viennent mourir la mer des Caraïbes, quelques bars et restos aux noms évocateurs « l’Arbre à pain, l’Amandier des îles, le Pélican… » sont éparpillés au milieu des barques et des filets de pêche. Le lieu idéal pour se délasser après une journée de boulot, en dégustant bière ou ti’ punch à l’heure dorée, quand la mer et le ciel se parent d’or au moment du couchant…
Pas encore de tourisme de masse, mais deux ou trois clubs de plongée proposent des sorties en mer pour découvrir « La Crique Abricot », « La petite sirène », « l’épave du Nahoon » ou encore le fameux rocher du Diamant, situé à une demie heure de mer de là. Il y en a pour tous les goûts, pour tous les styles…
Mais pas besoin d’être un pro des bouteilles à Grand’Anse, masques, tubas, palmes suffisent pour s’immerger dans un véritable aquarium. A quelques mètres du rivage de sable fin, le fond de la baie est tapissé d’un immense gazon, fait d’herbes marines en tout genre… Beaucoup de poissons, des gros, des petits, des rouges aux nez en trompette, des minuscules presque transparents… Tout ce beau monde défile comme à la parade, passant entre vos jambes, surgissant derrière vous à la vitesse de l’éclair tout en affichant sans complexe des pyjamas à rayures jaunes, bleues, rouges… Avec un peu de chance, il est possible d’apercevoir, comme semblant sortir de nulle part, des tortues remontant lentement respirer à la surface, sans se soucier de votre présence. Sur le fond sont parsemées ça et là des étoiles de mer, rouges, oranges, jaune qui se prélassent en se nourrissant d’herbe. Bien entendu, interdiction formelle de toucher, caresser ou d’attraper l’une ou l’autre de ces merveilleuses créatures, sous peine de leur refiler des microbes ou des bactéries mortelles…
Dans certaines anses, toute cette faune a purement et simplement disparu suite à des maladies attrapées aux contacts d'humains un peu trop curieux. Les tortues inoffensives, mais classées comme une espèce sauvage protégée, évoluent en toute liberté et semblent être à la portée de tous. Pourtant, ici on ne touche qu’avec les yeux, aucune caresse sur la faune et la flore n’est admise !
Qui aurait l’idée d’aller caresser un ourson si mignon, ou un lion en liberté…
C’est là dans ce petit éden que travaille Loïc, le moniteur de plongée. Son bureau ouvert aux quatre vents est quasiment sur la plage, à moins de 10 mètres de l’eau…
Un dimanche au rocher du Diamant
Un peu plus loin, le Kalliste, bateau à moteur pourvu d’une coque blanche, attend sa cargaison de plongeurs. Nous sommes dimanche, il est 8 heures du matin et les plongeurs équipés de leur combinaison entrent dans l’eau pour rejoindre le navire à la nage. A bord se trouve déjà toutes les bouteilles chargées la veille au soir et prêtes à servir pour les deux plongées de ce matin. Grâce à l'échelle de plongée, tout le monde retrouve à bord Solène, récemment diplômée, qui nous souhaite la bienvenue en nous narrant l’historique du nom de ce bateau. Il est question d’une histoire d’amour prenant racine dans la mythologie grecque et se finissant dans les étoiles auprès de la Grande et la Petite Ourse…
Puis, Solène met le cap plein sud, vers le site du Diamant, et il faut compter une bonne demi-heure pour y arriver. A l’approche du site, la mer est souvent agitée car nous traversons la « Passe des fous », point
de rencontre entre le « Canal de Ste Lucie » et la mer des Caraïbes. Dur de garder son petit déjeuner, et on comprend facilement d’où vient le nom de la passe…
A bord, l’ambiance est souriante et détendue, car ces plongées dominicales sont un moment très convivial, partagé par des clients habitués qui apportent souvent des viennoiseries pour prendre une collation après la première plongée. A bord, le club fournit déjà des gâteaux, de l’eau fraîche, du sirop et du thé chaud. Apparemment, les plongées ouvrent l’appétit…
Vers 9:15, mouillage sur un corps mort à 5 mètres du gros rocher. Le Kalliste, moteur coupé, se comporte alors comme un véritable bouchon de liège et nous sommes soumis au tangage et au roulis des flots. De plus, il n’y a plus de vent et la température augmente d’un seul coup… Déjà 31°, et il n’est que 9 heures du matin…
Clémence attend déjà dans l’eau pour éviter le mal de mer, et au moment de plonger ses coéquipiers lui passeront son équipement. C’est vrai qu’il faut avoir l’estomac bien accroché…
Malgré une température constante de 28° en surface, le corps se refroidissant 25 fois plus vite dans l’eau que dans l’air, tout le monde porte une combinaison… La roche basaltique dont la forme légèrement biseautée rappelle un diamant, mesure 175 mètres de haut et n’est habité que par des oiseaux qui tournent au-dessus de nous en piaillant. Par endroit, le rocher est devenu blanc à cause de la fiente de tous ces adorables volatiles… Heureusement que le bateau possède un toit de toile…
Interdiction absolue d’aborder le rocher, qui est rattaché à la commune Martiniquaise du Diamant, bien que toujours considéré, et ce depuis l’époque Napoléonienne, comme l’un de leur navire par les Anglais, le HMS Diamond Rock…
Aujourd’hui c’est une réserve naturelle protégée française, abritant de nombreuses espèces d’oiseaux endémiques des Caraïbes.
Le fond de la mer est situé à une vingtaine de mètres sous la coque, mais à peine plus loin, il descend rapidement jusqu’à environ -60 voire -100 mètres par endroits.
Quentin, directeur de plongée (DP) aujourd’hui, fait un grand briefing général, sur les consignes de sécurité avant le départ de chacune des palanquées. Les plongeurs et leurs moniteurs vont se balader autour du gros rocher, sans oublier de passer par la faille du Diamant situé à -18 m de fond. Certains, suivant leur niveaux, vont descendre jusqu’à -40 mètres… Impressionnant et magnifique de suivre les espèces de poissons qui déambulent de part et d’autre. Parfois on peut croiser des tortues, espèces différentes de celles de Grand’Anse, des raies, des poissons lions, des barracudas…
Le spot est réputé pour sa beauté et la multitude de plongées possibles, car c’est un univers de roches planté dans le sable qui tapisse le fond du canal de Ste Lucie. De par la disparité des espèces, il est devenu un véritable garde-manger, et abrite une grande quantité de la faune environnante… De plus, de 0 à -60 mètres environ, l'eau y est très claire, permettant une exploration plus agréable pour les yeux, les lampes rehaussant juste les couleurs de ce milieu.
Tout le monde est parti, seul Loïc reste à bord, car il est en sécu ce dimanche matin. Il vérifie la pression de chacune des bouteilles prévues pour la plongée suivante. Une fois fait, son regard se porte sur la mer, afin d’y déceler les traces de bulles d’air éclatant à la surface et lui permettant de situer sans problème les différentes palanquées. Bon, faut avoir l’habitude…
Et enfin, il doit aussi surveiller la navigation de surface afin de protéger les plongeurs…
Cette surveillance va durer plus de 3/4 d’heure et c’est là, ballotté par la houle, les yeux fixés sur les vagues que ce Toulousain, âgé de 29 ans, prend le temps de nous expliquer son parcours.
J’ai pris 1000 chemins pour arriver à la plongée sous-marine
Quand Loïc était jeune, il aimait le sport, et pratiquait la natation depuis l’âge de 7 ou 8 ans. Tous les étés sont passés à la Méditerranée, dans l’appartement familial de Canet en Roussillon, ou dans des campings situés au bord de l’océan atlantique. Son père pratique la planche à voile, mais à l’époque il fallait au moins 3 planches, 4 mâts, des voiles courtes, des longues etc… pour pouvoir pallier à toutes les conditions météo.
Pour ses 50 ans, nous lui avons offert un stage de kitesurf qui ne nécessitait pas d’avoir autant de matériel. Il a souhaité le faire avec moi… J’ai aimé et du coup j’ai beaucoup pratiqué en laissant tomber la plongée pendant pas mal de temps.
Un peu plus tard, sa sœur qui travaille pour une grande enseigne de sport, organise des journées Vital Sport pour faire découvrir des activités aux clients. Sur le parking des magasins, sont installées plein de structures pour découvrir le VTT, le trek, le golf, le tir à l’arc, etc…
Il y avait une piscine et j’ai passé l’après-midi dans l’eau à faire de la plongée. J’ai kiffé !
Après son baccalauréat, il continue toujours à pratiquer la natation avec un peu de plongée et fait son entrée en STAPS, qui correspond à ses ambitions. Il souhaite devenir prof d’Education physique et Sportive. Première année, sans soucis et Loïc découvre la vie d’étudiant, avec tout ce que cela comporte. Appartement, fêtes, liberté etc… En deuxième année, il choisit l’option plongée, qui peut lui permettre d’avoir un vrai diplôme à la clé.
Redécouverte de la plongée, avec stage à Banyuls et tous les jeudis en fosse à Ramonville St Agne. Niveaux 2 obtenu à Banyuls puis niveau 4 lors d’un stage de 15 jours.
On logeait chez Dédé, un ancien plongeur de Banyuls pour 20/25 euros, logé nourris blanchis… Un stage très intense mais exceptionnel riche en émotions et en sensations.
Puis il passe son MF1 (Moniteur Fédéral) et entre au club associatif des STAPS, le club subaquatique Ramonvillois qui est devenu aujourd’hui le TUC Plongée (Toulouse Université Club Plongée).
Les adhérents étaient des habitants de Ramonville. Le lundi les adultes, le vendredi les enfants. Ils venaient deux fois par semaine à la piscine et
cela nous permettait de faire nos armes en tant que moniteurs de plongée.
Au bout de sa licence, après plusieurs stages en établissement scolaire (lycée, collèges), Loïc se rend compte que prof n’est pas vraiment sa vocation…
Ce n’était pas ma philosophie, je trouvais que l’on était trop des flics même s'il y avait des classes supers et puis étant attaché à mes racines familiales je ne voulais pas monter à Paris et y passer 10 ans. De toute façon, dans ce système, soit tu débarques à Paris, soit tu te retrouves au fin fond de la Creuse. Dans les deux cas, j’étais loin de la mer…
Il souhaite s’engager dans une autre licence, spécialité subaquatique pour devenir maître nageur et avoir un métier avec des débouchés. Puis il est tenté par la conception de nouveaux produits.
Exemple, les mecs qui ont inventé la tente 2 secondes, ou mis au point le masque facial de plongée intégral, ce sont des génies… J’adorais ce concept.
Mais le parcours pour chapeauter une équipe dans l’innovation produits est assez dense et complexe avant d’arriver à espérer de tenter d’entrer dans ce genre de service de pointe. Il est découragé et se propose de faire un break pour voir le monde avant de reprendre le Master. A 21 ans, Il annonce à ses parents qu’il part 9 mois en Asie… Sa maman ne prend pas bien la chose, mais son père et sa sœur pensent qu’il faut le laisser faire. S’il se trompe, il reviendra bien assez tôt…
Bali, Java, Thaïlande, et au bout de deux mois mes parents m'annoncent qu’ils viennent me rejoindre au Vietnam (destination non prévue au programme…)
Donc je suis allé en Birmanie pour passer au Vietnam. Un pays qui s'ouvrait juste au monde. Aucun tourisme de masse, des gens et des expériences vraies. Ce fut un véritable coup de cœur pour cet endroit, la plus belle expérience de vie dans cette région…
Birmanie, Cambodge, Laos… Il retrouve sa sœur dans le Nord du Viêt Nam et descend avec elle dans le Sud pour retrouver leurs parents avec lesquels il va... remonter dans le nord !
Puis, il parcourt avec son père, tout le nord du pays en moto et sac à dos. Un bon moment de complicité inoubliable…
En Asie, j’ai plongé énormément !
Thailand, Java, Philippines, etc…
Mais je ne travaillais pas, car pour ce faire, il me fallait rester au minimum 3 ou 4 semaines au même endroit… Impossible, trop de choses à voir !
En Thaïlande, il s’offre pour Noël, une croisière de plongée, puis part au Sud et aux Philippines où il reste presque 2 mois…
J’ai fait pas moins de 80 plongées sur 40 jours… soit 2 fois par jour !
Il est basé du côté de Anda, puis file à Padre Burgos, lieu perdu au bout du monde ou il n’y a rien à faire sauf plonger pour essayer de voir des requins baleines en liberté. Son meilleur souvenir de plongée.
Je suis monté avec deux pêcheurs sur une « Banka », une barque locale très colorée avec un balancier de chaque côté. Y en a un qui navigue et l’autre qui regarde l’eau avec un masque de fabrication locale, c'est-à- dire, une simple vitre insérée dans un cadre de bois… Quand ils aperçoivent un requin baleine, tu sautes à l’eau, avec masque, palmes et tuba. Après une apnée je me retrouve juste derrière lui, proche de la queue et je palme comme un fou pour le suivre tout en mitraillant de photos. J’avais la queue qui ondulait à 1 mètre devant moi, je ne voyais presque pas son corps, juste sa queue et j’étais complètement fasciné. Je n'oublierai jamais le sentiment de puissance que dégageait cet animal qui mesurait environ 3 ou 4 mètres. A chaque légère ondulation de sa queue, il avançait sans effort, alors que moi, avec mon masque et mes palmes j’avais de la peine à le suivre. J’ai encore les photos sur mon téléphone…
Un instant magique, inoubliable !
Mais soudain, Loïc s’arrête de parler car il vient de repérer des petits points noirs venant crever la surface, au milieu des vagues, à une bonne centaine de mètres du bateau. Fin de plongée !
Vite il s’affaire et se prépare à recueillir tout le monde. Il y a du courant, donc il faut aller les chercher. En quelques secondes, le bateau glisse sur l’eau et part à la rencontre des palanquées.
Une fois à bord, chaque personne récupère un peu avant de préparer sa deuxième bouteille pour la deuxième plongée, qui aura lieu après 1 heure de pause obligatoire… Histoire de petites bulles d’azote dans le sang qui doivent s'évacuer avant de replonger.
Une fois que tout le monde est prêt, petite collation !
Laure et Mathilde, en clientes fidèles, ont apporté les viennoiseries qu’elles distribuent aux ventres affamés…
Pendant ce temps, Loïc est aux commandes pour retraverser la Passe des fous et Solène nous donne un petit cours d’histoire sur ce fameux rocher. Au cours de cette petite explication, elle aborde l’aspect géologique de cette formation rocheuse puis l’aspect historique. En pleine période Napoléonienne, les Anglais s’emparent du rocher, et le fortifient en janvier 1804 afin de contrer les attaques des corsaires Français envers leurs navires faisant route vers l'île de Ste Lucie, à 103 km de là… Et ne sait-on jamais, car nous étions en pleine époque Napoléonienne, faire un éventuel blocus de la Martinique, si besoin… Ce gros rocher a donc servi de garnison puis d’infirmerie car les Anglais de Ste Lucie ayant attrapé la Dengue y étaient exilés en quarantaine. Puis le 2 juin 1805, après une bataille de plusieurs jours, les Français reprirent le rocher qui était considéré comme un navire par les Anglais, le « HMS Diamond Rock ». L’emplacement des batteries de canons, la réserve d’eau et l’infirmerie sont toujours visibles. Petite anecdote, certains Anglais sont encore persuadés que le rocher appartient toujours à l’Empire Britannique, en l’an de grâce 2024…
Loïc quitte la Passe des Fous en doublant « La Pointe du Diamant ». Nous sommes enfin abrités par les mornes hauts qui forment le relief de l’île et les eaux sont beaucoup plus calmes. Nous arrivons bientôt à « La Petite Sirène » où pendant cette dernière heure, quasiment toute la faune de la région défilent sous nos yeux, jouant à cache-cache entre les gorgones, les éponges et autres concrétions rocheuses… Nous sommes immergés dans un aquarium grandeur nature !
Puis c’est le retour à la base, où les moniteurs vont se restaurer avant de repartir proposer des baptêmes aux touristes de passage à Grand’Anse.
Trois plongées par jour
Trois plongées par jour, c’est le rythme que nous avons habituellement. Ici, les spots de plongée sont archi connus et très appréciés des amateurs de belles balades sous-marines.
Vers 18h, rendez-vous avec Loïc au « Pélican », pour finir son histoire. Nous sommes attablés devant une bière locale très appréciée pour son petit goût de paradis. Petit à petit, le soleil prend une teinte orangée. La mer des Caraïbes se couvre d’or, contrastant avec le dégradé du ciel, qui nous offre toute sa palette des couleurs du couchant. Les bateaux, tels des ombres chinoises, se découpent sur ce décor de rêve. Ce soir pas de nuages à l’horizon, nous allons donc apercevoir le fameux rayon vert, juste quelques secondes après que le soleil ait disparu dans les flots. Moment unique, moment magique…
Quand je suis rentré d’Asie, j’ai travaillé à Banyuls avant de tenter de passer mon diplôme d’état pour pouvoir continuer à enseigner jusqu’à 40 mètre, le BPJEPS ne permettant que de plonger à 20 mètres J’essaye Montpellier où je ne suis pas pris : J’ai déprimé à fond et j’ai passé des moments assez complexes qui ne m’ont pas rendu heureux…
L’été, saison en Corse qui remonte le moral à 3000. Fin de saison, un ami rencontré à Java lui propose de découvrir l’Amérique du Sud. Equateur, Pérou, Bolivie, Chili, sans plonger…
Après ce périple, retour vers de l’eau, et le routard s’installe au Mexique pour s’établir comme moniteur de plongée dans le Yucatan sur une petite île à Cozumel pas loin de Playa Del Carmen. Puis visite de Tulum pour découvrir les Cenotes, ces fameuses grottes immergées en plein milieu des terres.
J’ai beaucoup plongé là-bas car j’ai adoré ces flots limpides. L’eau est tellement claire et translucide, qu’elle en devient invisible et on a l'impression de voler. C’est dingue, c’est inimaginable, fantastique !
Puis retour à Cozumel pour travailler dans une auberge de jeunesse et dans un club de plongée « le Nirvana » pour faire encore de très belles plongées.
Hélas, le décès de Thibault, son meilleur ami, lui fait faire un aller/retour à Toulouse. Un mois plus tard, la Covid 19 fait son apparition…
Je devais bosser la saison d’été en Corse et le gars m’appelle pour m’expliquer combien cela risque d’être compliqué… J’apprends le concept du confinement, c'est-à-dire que tout se bloque, plus rien ne fonctionne, frontières fermées, chacun chez soi… Vu du Mexique cela me paraissait surréaliste et je n’y croyais guère.
Mais, la réalité le rattrape et il arrive à rentrer en France de justesse… Encore dévasté par le décès de son ami, il a du mal à s’imaginer vivre seul chez ses parents. Heureusement des copains l’ont invité à passer le confinement en collocation avec eux.
Cela m’a aidé à traverser les moments difficiles de l’après Thibault.
Puis, il passe son DE (Diplôme d’Etat) avec le désir de partir en Polynésie. Mais à cette époque, grosse résurgence de la Covid du côté de Tahiti… Loïc hésite à se lancer, avant de tomber sur l’annonce d’un club cherchant des plongeurs, ici en Martinique.
Un club qui se créait et cherchait une nouvelle équipe. Tout était neuf et j’y vois l’opportunité d’un travail à long terme, voire de passer en CDI un peu plus tard. Cela correspondait à mon réel désir personnel de réussir en trouvant un boulot à l’année !
Arrivé avec l’intention de faire une première saison de 6 mois, les dirigeants du club lui proposent un CDI.
J’étais bien, installé en Colloc à Ptit’Anse à quelques kilomètres d’ici, un endroit magnifique et calme.
Voilà maintenant deux ans et demi que Loïc vit en Martinique. La plongée est une passion dévorante qui demande de progresser sans cesse, en acquérant d’autres compétences en permanence.
Je fais ce que j’ai toujours voulu faire, enseigner et transmettre ma passion !
Il y a le côté tek de notre métier qui est passionnant mais le cœur de notre métier en plongée c’est le baptême et le niveau 1. Ces deux activités sont ultra récompensantes car tu pars de rien et tu fais découvrir un univers exceptionnel à des gens peu rassurés, voire parfois très inquiets… Mais, les voir ressortir avec des paillettes dans les yeux et entendre un gamin qui ne cesse de te remercier car « C’était trop bien ! » Il n’y a rien de plus gratifiant, et cela me permet de garder en mémoire que je fais un métier exceptionnel !
Mais, même en Martinique, et malgré cette flore et cette faune exceptionnelle, Loïc pense qu’il est possible de tomber dans les habitudes et la lassitude…
Il a décidé que le jour où il part plonger par habitude sans tenir compte de l’exceptionnalité de la chose, il faut qu’il arrête. S’il n’y a plus de passion, impossible de la transmettre… Ce qu’il aime par dessus tout, c’est les regards émerveillés des nouveaux plongeurs après la balade lui posant mille questions :
C’était quoi ce serpent, ce gros poisson, ces petits bleus, ces algues rouges ?
Cela lui permet de ne pas oublier que ce qu’il est en train de transmettre est juste exceptionnel. Et cela le reconnecte à la réalité, à sa première plongée !
Souvent entre nous on se dit qu’on a tous commencé par un baptême. On fait un baptême et on finit moniteur…
Dans un baptême, tu peux transmettre plein plein de choses. Tu peux rassurer, mettre des étoiles dans les yeux, tu peux presque soigner des gens sur leur propres peurs. Dernièrement une personne ayant failli se noyer est venue plonger pour sa propre thérapie. Elle voulait respirer sous l’eau !
Il faut y aller en douceur, lui faire appréhender le milieu, lui montrer la vie qu’il y a en dessous… tout ça pour lui permettre de passer un cap et d’aborder une nouvelle étape de sa vie…
L’émotion est palpable, chez ce grand gaillard…
Pour lui, le but d’un baptême c’est d’arriver à mettre la tête sous l’eau, ce n’est pas de descendre. C’est aussi et avant tout, l’idée apparemment simple d’oser mettre un détendeur dans la bouche pour respirer normalement et observer la faune et la flore qui se trouvent sous l’eau… Quand une personne ressort en lui déclarant avec enthousiasme qu’elle a passé un moment complètement fou, c’est pari gagné !
Ce sentiment de partage et de liberté est important pour ce plongeur aguerri. Il ne pourra plus jamais faire un métier enfermé quelque part.
Genre, arriver le matin, travailler dans une boîte de conserve sous les halogènes et en sortir quand il fait nuit, c’est impossible ! Le jour où je serai obligé de subir ça, il sera temps pour moi de savoir rebondir… Si on m’enlève de la mer pour me remettre dans un bureau, ce sera très compliqué… Au pire, un bureau au bord d’une plage dans un centre de plongée !
Au niveau du cadre de vie, Loïc se sent bien là où il se trouve actuellement… L’amour a frappé à sa porte et avec Chloé qui ne travaille pas du tout dans le milieu de la plongée sous-marine, le couple cherche à s’installer quelque temps dans ce département ultra-marin. Ils souhaitent investir dans un logement, quitte à le mettre en location si l’aventure continue sous d'autres cieux.
A court terme c’est un investissement pour nous et si on doit partir ce sera un investissement à long terme…
Pour le moment, je suis dans la plongée un peu technique avec le Triton, le recycleur, le Nitrox et j’ai vraiment envie de développer cette activité au sein du club…
Au début, Loïc ne comprenait pas le côté technique de la plongée. Il croisait souvent des types qui se trimballaient avec des bouteilles différentes, pour plonger au Trimix ou autre et cela le dépassait complètement. Aujourd’hui, il fait la même chose…
Je suis comme eux car je pense que c’est comme la plongée, une fois que tu y a goûté, soit tu aimes soit tu n’aimes pas ! C’est un renouveau, une véritable évolution et remise en question, une façon de sortir de la banalité et de progresser en permanence. Au club, je suis le seul à enseigner la plongée au recycleur et plonger avec cet équipement, c’est revoir complètement sa façon d’enseigner, car c’est un système totalement nouveau !
J’ai à cœur de développer cette technique au nom du club, car c’est quelque chose qui doit être connu et enseigné au plus grand nombre.
Le principal avantage de plonger au recycleur, c’est le silence ! Il n’y a même pas le bruit de ses propres bulles… Avec ce principe, on est dans un silence quasi total, attention pas dans le monde du silence !
On entend tous les bruits sous-marins, les poissons qui grattent le sable ou qui picorent des anémones, les crépitements des crevettes, des crabes… On entend tout !
Suivant la saison, les plus chanceux peuvent entendre le chant des baleines qui s’ébattent à plus de 10 miles au large…
De plus, avec ce respirateur il est possible de rester longtemps dans l’eau, même en profondeur (vers les 40 m), et les plongées peuvent être plus sécuritaires, tout en étant plus longues.
Le circuit fermé c’est comme des faux poumons. Donc j’y mets l’air que je veux… Que je sois en surface ou à 30 m je vais respirer le meilleur mélange à chaque fois avec un minimum d'azote qui sera analysé par mon ordinateur de plongée. Et si il y a moins d’azote, il y a moins de paliers. C’est la promesse de plonger avec beaucoup plus de liberté…
Je suis heureux ici !
Ce qui donne un sens à ma vie, c’est transmettre, faire de belles plongées, et vivre ici avec Chloé. En fait, c’est une corrélation de plusieurs facteurs qui permettent de me sentir à la bonne place au bon moment !
La seule chose qui lui manque vraiment c’est la famille. Il vient d’être tonton depuis quelques jours et aimerait bien voir grandir son neveu. L’autre difficulté, c’est que la vie est chère sur les îles…
On trouve facilement de bonnes choses, fromages, vins saucissons ou autre mais il faut y mettre le prix…
Peut-être qu’un jour, il ouvrira son propre centre, mais pas avant quelques années… Avant ça, il aimerait bien se rendre en Polynésie, car un de ses objectifs de vie, c’est d’aller voir des requins, et de plonger avec des raies Manta…
Cet endroit du globe, compte parmi les plus belles plongées du monde, alors ça vaut peut être le coût d’aller y jeter un p’tit coup d'œil…
Avant de nous quitter, Loïc, cet homme au grand cœur, tient à partager une dernière anecdote.
Aujourd’hui j’ai fait plonger deux petits loulous, pour la première fois. Ils sont ressortis avec des étoiles dans les yeux et au retour, même si nous étions hors plongée, je leur ai fait piloter le bateau. Ils sont montés sur une petite caisse et ont tenu la barre quelques instants. Ils conduisaient le bateau !!!
Ils étaient fiers et heureux d’avoir eu cette responsabilité pendant quelques minutes et m’ont regardé avec de la brillance dans le regard en disant « Ouais, c’est vraiment trop cool ! »
Et ça, j’adore !
Je leur ai donné un conseil, celui de persévérer. Sous l’eau, ils n'arrivaient pas à faire des ronds avec leurs bulles… Je leur ai expliqué qu’aujourd’hui ils ne savaient pas le faire, mais qu’en essayant un peu tous les jours, ils y arriveraient…
Je pense que c’est ça le message important pour moi, car malgré les écueils sur le chemin de la vie, sans persévérance, il n’y aurait pas eu la plongée au niveau professionnel. Sans elle, je ne vivrais pas ici, je n'aurais pas rencontré Chloé et je ne serais pas un homme heureux !
Philippe Vignon
Juin 2024
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